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tits cailloux du fond, et pour descendre à terre il nous fallut marcher sur une rame comme sur la corde raide.

Resserré entre la citadelle et ses remparts et coupé au milieu par un port presque vide, le Palais nous parut une petite ville assez sotte, qui transsude un ennui de garnison et a je ne sais quoi d’un sous-officier qui bâille.

Ici, on ne voit plus les chapeaux de feutre noir du Morbihan, bas de forme, immenses d’envergure et abritant les épaules. Les femmes n’ont pas ces grands bonnets blancs qui s’avancent devant leur visage comme ceux des religieuses et, par derrière, retombent jusqu’au milieu du dos, vêtant ainsi chez les petites filles la moitié du corps. Leurs robes sont privées du large galon de velours appliqué sur l’épaule qui, dessinant le contour de l’omoplate, va se perdre sous les aisselles. Leurs pieds non plus ne portent point ces souliers découverts, ronds du bout, hauts de talons et ornés de longs rubans noirs qui frôlent la terre. C’est, comme partout, des figures qui se ressemblent, des costumes qui n’en sont pas, des bornes, des maisons, des pavés et même un trottoir.

Était-ce la peine de s’être exposé au mal de mer, que nous n’avions pas eu d’ailleurs, ce qui nous rendait indulgents, pour n’avoir à contempler que la citadelle, dont nous nous souciions fort peu, le phare, dont nous nous inquiétions encore moins, ou le rempart de Vauban qui nous ennuyait déjà. Mais on nous avait parlé des roches