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un demi-cercle pour aller rejoindre celui-ci. Ces derviches sont mariés, quelques-uns exercent des métiers. Ils sont à peu près 300 en tout, dans l’Empire ottoman. — Bruit de leurs mains tombant toutes ensemble par terre lorsqu’ils s’agenouillent.

À 6 heures et demie du soir, dîner turc. Mme Constant à ma droite, en robe de soie, sentant le cold cream, charmante et mangeant très résolument avec ses doigts ; M. Constant s’empiffre gaiement et M. Portier silencieusement ; M. Kosielski à ma gauche. Après le dîner, Robert le Diable dans la loge de M. Constant ; à côté de son épouse, je hume son essence de mousseline et son linge blanc. Drôle de ville que celle-ci, où l’on sort des tourneurs pour aller à l’opéra ! les deux mondes sont encore à peu près mêlés, mais le nouveau l’emporte ; même dans Stamboul, le costume européen domine, pour les hommes seulement, il est vrai !

Mercredi. — Le matin, course au Bezestain, où nous achetons des bouquins, des pipes. Quoiqu’il soit ouvert, le Bezestain, en fait d’antiquités, me paraît assez maigre ; il y a beaucoup de gibernes dorées et de sabres modernes. Acheté des lanternes turques, dont les vendeurs sont auprès de la Sulimanieh. Dans la cour de la mosquée, dispute de femmes nègres et de cawas ; une surtout, grande, à la peau nubienne, les joues coupées longitudinalement de coups de couteau, criait en montrant ses dents blanches et gesticulait avec ses grandes manches. Manteau couleur tabac d’Espagne.

Jeudi. — Promenade autour des murailles de Constantinople, avec M. Kosielski qui nous rejoint sur le pont de Mahmoud ; nous prenons des che-