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le haut de mes bottes, le courant pousse nos chevaux, je travaille le mien à coups d’éperon ; à force de bonds, je l’amène à l’autre bord.

Nous longeons quelque temps la rive droite du fleuve, le soleil est chaud, çà et là un bouquet d’arbres sans feuilles, sur une hauteur le petit village de Hagios Joannis (emplacement d’Herca).

De Hagios Joannis jusqu’ici (Polignia) c’est une charmante route, paysage classique s’il en fut, tranquille ; on a vu cela dans d’anciennes gravures, dans des tableaux noirs qui étaient dans des angles, à la place la moins visible de l’appartement.

Nous traversons deux fleuves : le Ladou. Giorgi, notre moucre, reste en arrière, nous sommes obligés de payer un paysan qui va avec son cheval le chercher, il était resté sur un îlot de sable caillouteux ; dans le courant de l’eau et arrêtés, troncs d’arbres ; sur la rive du fleuve, de l’autre côté, celui où nous abordons, des paysans assis. Le second fleuve que nous traversons est l’Érimanthe.

Tous ces trois fleuves, Alphée, Ladou (Ruphia), Érimanthe (Doana), les deux derniers affluents du premier, ont le même caractère ; seulement, quelque temps avant d’arriver ici, l’Alphée, qu’on retrouve, est un véritable fleuve, il est large (à peu près comme la Seine à Nogent).

Cheminant par beau soleil, sur l’inclinaison d’une pente, ce sont sans cesse des chemins dans des bosquets de lentisques verts ; par places, des pelouses d’herbes, de temps à autre un grand arbre. Ô art du dessinateur des jardins ! À notre droite, la montagne ; à notre gauche, au bas de la lisière du bois, coule le fleuve, gris sur son lit