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voyage, me devient utile, le froid de ma culotte de peau me remonte le long du dos dans l’épine dorsale ; s’il fallait me servir de mes mains, j’en serais incapable. Le moral est de plus en plus triomphant. Mes yeux se sont habitués à la neige, qui re-souffle de plus belle, Maxime en est ébloui. Nous allons sur la pente Nord du Cithéron, nous rapprochant le plus que nous pouvons vers sa base, afin de trouver la route. Nous passons un torrent, que nous laissons à droite, et nous nous élevons rapidement. Des pierres sous la neige font trébucher nos chevaux ; nous sommes complètement perdus, le gendarme et Giorgi n’en sachant pas plus que nous sur la route. Pour continuer jusqu’à Casa il faudrait savoir le chemin ; quant à nous en retourner à Kokla, ce que nous allons pourtant essayer de faire, il est probable que nous allons nous perdre encore.

Nous entendons aboyer un chien, j’ordonne au gendarme de tirer des coups de fusil, il arme son pistolet qui rate ; enfin il parvient à tirer un coup, le chien aboie dans le lointain.

Décidément j’ai froid, ça commence à me prendre.

Nous redescendons, le gendarme tire encore deux ou trois fois des coups de pistolet, les aboiements se rapprochent, nous sommes dans la bonne direction, nous repassons le torrent à sec.

Bientôt nous apercevons quelques maisons ; les chiens, en nous sentant venir, font un vacarme d’enfer ; pas d’autre bruit dans le village, pas une lumière, tout dort sous la neige.

Le gendarme et Giorgi frappent à la porte d’une cabane, personne ne dit mot ; ils vont frapper à une