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ombres, cela donne de la vie à ces figures où l’on ne distingue plus grand’chose. Dans ce premier souterrain, nous avons pénétré dans deux chambres où l’on ne voit plus rien. Ces souterrains servaient sans doute d’écuries à la forteresse. Le plafond de la galerie extérieure du naos, creusé de rinceaux droits entre-croisés, faisant losange ; au milieu, bustes d’empereurs et d’impératrices, tous méconnaissables (je ne retrouve nulle part Jupiter et Léda, indiqué dans « les Voyageurs »). Je me suis amusé avec ma canne à fouiller un grand morceau tombé.

Les pierres de Baalbeck ont l’air de penser profondément. Effet olympien. Je suis resté deux jours à me promener seul là dedans, le vent faisait voler dans l’azur bleu les flocons blancs arrachés aux chardons desséchés qui poussent au milieu des ruines ; quelquefois c’était un battement d’aile subit qui partait de 70 pieds au-dessus de moi, oiseau caché dans un chapiteau et qui s’envolait. Comme j’étais dans le naos (entrée bouchée par un mur de la forteresse) à regarder la belle couleur rouge des pierres, à ma gauche, sur le chapiteau de la deuxième colonne, est venu se poser un grand oiseau peint (faucon ?), le corps roux, vermeil, et le bout des ailes noires ; il se tenait tranquillement, remuant les plumes de son col, et vivait d’un air fier. Il m’a fait songer à l’aigle de Jupiter. Comme il était bien là, sur son chapiteau corinthien ! Quelque temps après, j’ai entendu des petits cris d’oiseau, comme une voix de détresse.

C’est en cet endroit, à l’entrée, que se trouve la plus grande quantité de noms de voyageurs, les anciens disparaissant sous les nouveaux, écritures