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le tout plein de détails naïfs de la vie intime, comme les vieux dessins moyen âge, quoique ce soit d’un style très avancé, et d’une composition savante. Ces petites peintures font très rêver, et je voudrais en être le propriétaire pour les tenir dans mes mains, tout seul, au coin de mon feu, les jours de pluie.

Hier nous avons été dans un café, au bord de l’eau. Il y a une chute d’eau, un enfant s’est déshabillé tout nu pour aller chercher des poissons ; il y a là des arbres, on est à couvert sous des nattes percées ; l’eau ressemble à celle du Jourdain. C’est près d’un pont, en dehors de la ville, nous avons fumé un chicheh et bu de l’eau sucrée à la neige dans des tasses peintes.

Samedi 7, nous sommes sortis à 3 heures, nous avons tourné longtemps dans des chemins, entre des murs de terre enfermant de grands jardins d’où l’ombre retombait sur nous. Noyers, citronniers, arbres à fruits de toute espèce, verdure sombre, lumière froide. — Beaucoup de vent, de l’eau, un moulin. — Une grande porte en bas, à demi ouverte, c’était la porte d’un moulin, elle ressemblait à celle d’une grange dans la Champagne. — Quelques femmes voilées qui passaient allant je ne sais où, venant je ne sais d’où ; c’était très triste et très amer, à cause sans doute du silence de ces rues pareilles et vides, où la poussière tourbillonnait en petites trombes… Et de la verdure si verte, et de l’ombre. — Enfin nous arrivons vers des débris de mosquée, nous longeons un mur, nous tournons à gauche, et nous montons Djebel-Salahahieh.

En haut est un santon abandonné. Avant d’y