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nières, élégant de mise, turban de Bagdad, robe bleue, qui venait tous les soirs nous faire une visite à l’hôtel, apportant quelque antiquaille cachée dans son dos. Quand je n’y étais pas, il se faisait tranquillement bourrer mon chicheh et m’attendait sur le divan. Son domestique, Abyssinien d’humeur folâtre, a été châtré net en son pays et porte les cicatrices de plusieurs blessures reçues à la guerre.

Ce qu’il y a de plus remarquable dans les bazars et à Damas en général, c’est la beauté des hommes de 18 à 20 ans. — Mon tailleur, qui m’a fait ma veste de soie, un jeune homme parlant le français, marchand de soieries recommandé par le consulat ; il nous a déployé des étoffes dans sa boutique située dans un khan qui donne sur le bazar. — Hommes généralement petits à cheveux et à yeux noirs, à peau blanche. Quel succès à Paris auraient des drôles semblables ! Si j’étais femme, je ferais à Damas un voyage d’agrément !

Dans le bazar des confiseurs, celui chez lequel nous avons acheté des confitures, grand gaillard maigre, vêtu de bleu et encadré dans l’ouverture de sa boutique, entre les bocaux et les vases ; sur un plat, morceaux de racaqueloukhoume. — Politesse et bonnes manières en général des gens de Damas ; Joseph les trouve très changés, beaucoup moins fanatiques et plus tolérants que jadis. Mahomet tombe donc aussi et sans avoir eu son Voltaire. Le grand Voltaire c’est le temps, useur général de toutes choses.

Le lundi, lendemain de notre arrivée, le supérieur des Lazaristes, sachant qu’il y avait des Français à l’hôtel, est venu nous faire une visite : petit homme gras et commun, timide, ressemblant