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où j’ai dormi aux étoiles. Karnac me semble plus beau et plus grand que jamais. Tristesse de quitter des pierres ! pourquoi ?

Keneh[1]. — Jeudi 16 mai, notre cange aborde sur la plage de Keneh, où nous trouvons le petit baron de Gottbert, dans son nizam gros bleu, qui nous attendait. Déjeuner avec lui. Toute la journée et celle du lendemain est occupée aux préparatifs du voyage de Kosséir.

Visites aux sieurs Ortalis, médecin, en manches de chemise et en bonnet crasseux, et Fiorani. — Long déjeuner chez le père Issa, où se débattent les prix pour la traversée du désert. — Un Grec, épicier, natif de Chio, établi dans la rue qui prolonge le bazar, à droite, même rue que celle où demeure Osnah Taouileh ; elle nous prie de lui rapporter de Kosséir des poissons secs. C’est à elle que je vois, la première fois, se laver la bouche avec un morceau de savon de Marseille. Nous achetons des outres, que l’on va laver dans le petit bras du Nil qui est derrière Keneh. En faisant ses courses, dans le bazar, Joseph se f… par terre d’une façon triomphante. À peine arrivés chez Fiorani, nous apprenons que Gottbert vient de faillir tuer plusieurs personnes, son fusil est parti inopinément, ce dont nous l’avions prévenu. Sa figure embobelinée de son coufieh, petits gants de coton pour s’abriter les mains du soleil, une canne ; il va dans le désert établir des télégraphes de Keneh à Kosséir.

  1. Voir Correspondance, I, p. 398.