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Un peu plus loin, village (sur la gauche entre Karnac et le Nil), avec un palmier recourbé comme une cravache. Des bœufs, au fond, passent dans les palmiers. Je reprends, sur la droite, une porte Nord ; il y avait là encore une allée de sphinx, un seul se reconnaît à la croupe. Cette porte Nord ainsi que celle de l’Est sont abîmées quant aux représentations anaglyptiques.

Le soir, un effendi, propriétaire des environs, vient nous faire une visite ; il est vêtu de blanc, se laisse repousser la barbe, a l’air d’avoir fort chaud, larges manches de chemise ; il se passe la main sur les bras ; pieds et mains gras. À ma droite un domestique noir accroupi tenant une lance, son fusil est dans un coin, un yatagan à sa ceinture.

Lundi. — Re-estampage. Le moyen mange le but, une bonne oisiveté au soleil est moins stérile que ces occupations où le cœur n’est pas. Comme nous sommes dans le petit temple ptoléméide de Karnac (à gauche en arrivant), bouffon monté sur un âne ; il nous tire, par pompe, des coups de pistolet chargé à poudre, son pistolet d’Arnaute est enveloppé avec soin dans des guenilles et dans un fourreau en cuir.

Nous allons nous promener au bord du Nil. Au bord, femmes avec des pots sur la tête, l’eau agitée, soleil frisant sur l’eau et me gênant l’œil. En nous en retournant à notre logement de Karnac, un enfant courait devant nous, tout nu, en traînant une branche d’arbre, cela faisait de la poussière. Le soir notre ami l’effendi vient nous faire encore une visite : il est de Bagdad, nous aime beaucoup et accepte « pour son père » une boîte de