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rasse basse recouverte d’une natte. Pour monter sur les pylônes, nous passons par l’intérieur de la mosquée où piaule, en se dandinant sur ses jambes croisées, toute une école de bambins ; le maître lit tout haut, chantant d’un ton de fausset. L’escalier du pylône descend jusque dans l’intérieur de la mosquée.

Jardin de Prisse. — Nous visitons l’ancien jardin de Prisse, qui appartient maintenant au sheik des Ababdiehs. Une treille en maçonnerie couverte de vignes, des palmiers nains, ou petits. Deux ou trois domestiques nègres circulent là dedans. On nous apporte des bouquets de laurier-rose. Quand nous allons pour sortir, un nègre se met le dos contre la porte pour nous demander batchis, ce qui fait que nous ne lui en donnons aucun.

Jardin français. — Planté par les officiers du Louqsor ; les murs sont plantés de feuilles d’aloès, sèches. Ce jardin est plein d’orangers et de citronniers ; quelques palmiers s’élèvent droits, au-dessus de ces masses rondes. Le plaisir de la verdure m’a surpris avec un charme étrange. On nous apporte des petits citrons verts et des bouquets de menthe. Dans l’après-midi nous partons pour Karnac.

Karnac. — La première impression de Karnac est celle d’un palais de géants, les grilles en pierre qui se tiennent encore aux fenêtres donnent la mesure d’existences formidables ; on se demande, en se promenant dans cette forêt de hautes colonnes, si l’on n’a pas servi là des hommes entiers enfilés à la broche comme des alouettes. Dans la première cour, après les deux grands pylônes en venant du Nil, il y a une colonne tombée et dont