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monter ; il y a à bord un prêtre qui dit tout le temps des prières, se balançant sur le plat-bord de tribord. Moment d’anxiété quand le bateau, filant sur le grelin, plonge de l’avant : c’est comme un bouchon de liège courant sur la chute d’un moulin.

Nous arrivons à midi à Assouan, moi crevant de faim. Déjeuner au café, avec du poisson frit et des dattes. Quel bon déjeuner ! — Barbier. — Visite au bateau de ces messieurs.......................................

 

Nous revenons par le désert. — Campés à Philæ samedi, dimanche et lundi. — Je ne bouge de l’île et je m’y ennuie. Qu’est-ce donc, ô mon Dieu, que cette lassitude permanente que je traîne avec moi ! elle m’a suivi en voyage ! je l’ai rapportée au foyer ! la robe de Déjanire n’était pas mieux collée au dos d’Hercule que l’ennui ne l’est à ma vie ! elle la ronge plus lentement, voilà tout !

Lundi, khamsin crâne, les nuages sont rouges, le ciel est obscurci, le vent chaud emplit tout de sable, on a la poitrine serrée, l’esprit triste ; dans le désert ce doit être affreux.

Ce qui indigne à Philæ, ce sont les dévastations religieuses, cela rappelle par son parfum de sottise les expurgata. Dans la dernière salle du grand temple, jolie Isis allaitant Horus, souvent moulée ; dans la première cour, mille jolis détails. Dans une des salles supérieures, scènes d’embaumement dans le coin à droite, femme ployée sur les genoux, avec des bras désespérés, lamentants ; l’observation artistique perce ici à travers le rituel de la forme convenue. — Petit temple d’Athor : le plus beau, c’est la fameuse inscription « une