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trices de coupures cicatrisées au fer chaud. Sur tous ces bateaux, il y a, parmi les femmes, de vieilles négresses qui font et refont sans cesse le voyage ; c’est pour consoler et encourager les nouvelles esclaves ; elles leur apprennent à se résigner et servent d’interprètes entre elles et le marchand, qui est Arabe.

Dans certains couchers du soleil, les nuages partent d’une crête principale comme les mèches d’une crinière (de cheval) lumineuse.

Les nuages marbrent le Nil en grandes plaques bleu pâle.

Wadi-Halfa. — Vendredi 22. Nous abordons sur la plage de Wadi-Halfa comme nous finissions de dîner. Le clair de lune brille si bien sur le sable que ça semble un effet de neige, le sable paraît fort blanc, la plage est large. À un demi-quart de lieue (à gauche) est une ligne de palmiers dans lesquels sont quelques maisons : c’est là tout le village ; à droite, de l’autre côté du Nil, est le désert avec deux petites montagnes de forme conique (tronquées par le sommet) et très larges par la base.

Sur la plage, un ingénieur arabe, parlant bien le français, Khahill-effendi, et un autre effendi nubien, en chemise blanche qui, au clair de lune, flottait au vent. Toute la journée le vent avait été fort et nous avait bien poussés. — Visite de ces trois messieurs. L’ingénieur arabe (Mahmoud ?) : haine des Anglais, dont un dernièrement lui avait refusé une bouteille de raki et qui, le lendemain, en avait vendu cinquante à un autre compatriote ! Il nous fait des citations de la Tour de Nesle, chante : « ouvre-moi ta porte », parle du fanatisme musulman, etc. (le lendemain matin, Joseph l’a