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femmes : une petite, camuse, nez très écrasé du milieu, fort, grands yeux ; une grande à qui je marchande deux mèches avec ses ornements en or. La première tournait des grains dans un panier plat.

Au coucher du soleil, le ciel s’est divisé en deux parties : ce qui touchait à l’horizon était bleu pâle, bleu tendre, tandis qu’au-dessus de nos têtes, dans toute sa largeur, c’était un immense rideau pourpre à trois plis, un, deux, trois. Derrière moi et sur les côtés, le ciel était comme balayé par de petits nuages blancs, allongés en forme de grèves, il avait eu cet aspect toute la journée. La rive à ma gauche était toute noire. Le grand rideau vermeil s’est décomposé en petits monticules d’or moutonnés, c’était comme tamponné par petites masses régulières. Le Nil, rougi par la réflexion du ciel, est devenu couleur sirop de groseille. Puis, comme si le vent eût poussé tout cela, la couleur du ciel s’est retirée à gauche, du côté de l’Occident, et les ténèbres sont descendues.

Dimanche 17 mars. — Pas de vent, nous faisons environ deux lieues, à la corde. — Chassé sur la rive gauche, sous des palmiers ; je tue plusieurs tourterelles et trois oiseaux de proie, dont deux gypaètes. Des enfants et un grand nègre nous suivaient. Les animaux atterrés avaient peur de nos coups de fusil et bondissaient en tirant sur leur corde.

Au coucher du soleil, nous voyons les montagnes de la chaîne libyque par des échappées de palmiers ; le ciel est bleu tendre, l’atmosphère rose.