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toute la ville et arrivons à la caserne. Escalier sombre, sentinelle à la porte du pacha (Hussein-Pacha). — Grande chambre en avancée sur la mer, entourée de fenêtres de tous côtés ; le Pacha assis sur des coussins, main droite estropiée, ressemble à Beauvallet ; le colonel Ismaïl-bey, œil à demi fermé, grand mâtin qui a l’air fort brave. On échange beaucoup de politesses ; la chambre qu’on nous destine pour coucher est à côté. Souper turc, petites galettes sucrées excellentes. Nuit mauvaise, les chiens de Rosette hurlent atrocement ; les puces et le mal de ventre !

Le lendemain, lundi 19, pendant que je me lavais, entrée du Dr Colucci amené par le pacha ; petit homme bon, franc, aimable. Nous sortons avec lui, nous visitons une manufacture de riz : grands fouloirs en bois terminés par une vis en fer. — Filature de coton à la main, homme qui tournait le dévidoir, courbé en deux, qui passait et repassait comme un cheval au moulin et souriait devant nous pour nous demander le batchis.

Par une mosquée entr’ouverte, nous voyons dans la cour des colonnes peintes. Sur la porte se tient un jeune Turc qui ressemble à Louis Bellangé. Nous allons dans une sorte d’hôpital où, dans des chambres basses, sont couchés sur la planche des malades qui m’ont l’air bien malade ; odeur de fièvre et de sueur, soleil passant entre les interstices des murs en planches. Nous montons chez le pharmacien, qui nous offre une pipe. — Je crève de faim, retour à la caserne, visite au pacha, recafé, rechibouk. — À 1 heure et demie, dîner : au moins trente plats (un nègre nous chasse les mouches avec un petit balai, la fenêtre