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sait ses regards vers elle, elle levait les siens vers lui ; une torpeur la prenait, elle s’arrêta. Ils repartirent, et, d’un mouvement plus rapide, le vicomte l’entraînant, disparut avec elle, jusqu’au bout de la galerie où, haletante, elle faillit tomber, et un instant, s’appuya la tête sur sa poitrine. Et puis, tournant toujours, mais plus doucement, il la reconduisit à sa place ; elle se renversa contre la muraille et mit la main devant ses yeux. »

Je sais bien qu’on valse un peu de cette manière, mais cela n’est pas plus moral !

Prenez Mme Bovary dans les actes les plus simples, c’est toujours le même coup de pinceau, il est à toutes les pages. Aussi Justin, le domestique du pharmacien voisin, a-t-il des émerveillements subits quand il est initié dans le secret du cabinet de toilette de cette femme. Il poursuit sa voluptueuse admiration jusqu’à la cuisine.

« Le coude sur la longue planche où elle (Félicité, la femme de chambre) repassait, il considérait avidement toutes ces affaires de femme étalées autour de lui, les jupons de basin, les fichus, les collerettes et les pantalons à coulisse, vastes de hanches et qui se rétrécissaient vers le bas.

« — À quoi cela sert-il ? demandait le jeune garçon, en passant la main sur la crinoline ou les agrafes.

« — Tu n’as donc jamais rien vu ? répondait en riant Félicité. »

Aussi le mari se demande-t-il, en présence de sa femme sentant frais, si l’odeur vient de la peau ou de la chemise.

« Il trouvait tous les soirs des meubles souples et une femme en toilette fine, charmante et sentant frais, à ne savoir même d’où venait cette odeur, ou si ce n’était pas la femme qui parfumait la chemise. »

Assez de citations de détail ! Vous connaissez maintenant la physionomie de Mme Bovary au repos, quand elle ne provoque personne, quand elle ne pèche pas, quand elle est encore complètement innocente, quand, au retour d’un rendez-vous, elle n’est pas encore à côté d’un mari qu’elle déteste ; vous connaissez maintenant la couleur générale du tableau, la physionomie générale de Mme Bovary. L’auteur a mis le plus grand soin, employé tous les prestiges de son style pour peindre cette femme. A-t-il essayé de la montrer du côté de l’intelligence ? Jamais. Du côté du cœur ? Pas davantage. Du côté de l’esprit ? Non. Du côté de la beauté physique ? Pas même. Oh ! je sais bien qu’il y a un portrait de Mme Bovary après l’adultère des plus étincelants ; mais le tableau est avant tout lascif, les poses sont voluptueuses, la beauté de Mme Bovary est d’une beauté provocante.

J’arrive maintenant aux quatre citations importantes ; je n’en