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qu’elle appelle Djali se promène avec elle dans les blés et va mordillonner les coquelicots — son mari ne cause de rien et ne la développe pas, elle en sent le besoin vague — derrière la maison, jardin de curé avec des choux et des rosiers sur églantiers — soirs d’hiver, lecture de journaux de mode et de romans — rêves de la vie parisienne — rentrées de Charles le soir, trempé, repas tard.

5.Un bal d’automne dans un château, dans une vallée deux rivières, arbustes dans l’escalier — c’est un tourbillon qui lui passe sous le nez — elle s’en retourne dans le boc de son mari — silence — froid d’automne — coucher de soleil rouge au bas d’une côte, au détour de la route — terrain sablonneux les jeunes gens partis en chasse le matin, passent à cheval au pas ils s’en reviennent.

6.Envie de luxe et de richesse mêlée à l’amour (après coup) d’un jeune beau quelconque qu’elle a vu à un bal — et plus ça s’éloigne plus il lui semble que cette passion augmente quoiqu’au contraire elle diminue. Mais ce qu’elle aimait à vrai dire, c’est l’entourage et la vie dorée. Peu à peu et sans le vouloir la dépense augmente, force son mari à acheter un second cheval et à l’atteler à l’anglaise — rêve un groom — désespérée du domestique en blouse (qui fait le gros ménage le matin) et de la bonne avec son bruit de sabots sur les carreaux lavés — elle attend longtemps dans son cœur une passion, un énervement, quelque chose de nouveau qui n’arrive pas — l’année suivante à la même époque on ne redonne pas de bal. Emma prend la vie qu’elle mène en exécration — elle déteste la campagne et finit par faire abandonner le pays à son mari — on va se fixer à Yonville à 7 lieues de Rouen — a des vapeurs, des besoins de pleurer, ou elle s’enferme — Charles croit que l’air du pays lui est mauvais et quitte sa clientèle.

II

Yonville l’Abbaye — gros bourg dans une vallée une petite rivière — des bois à qq. distances hôtel du Lion d’or, tenu par une veuve « Le François, au lion d’or ». C’est là qu’on prend la voiture pour Rouen, l’hirondelle Cauchoise, conduite par Hivert, messager qui fait toutes les commissions sans savoir lire — beaucoup de mémoire admiré par le Pharmacien. Me Emma donne un chic anglais au jardin — petite rivière au fond — au delà de la rivière une prairie — la maison de Me Bovary est sur la place — au bout de la place les halles — plus loin l’église, une église neuve avec un clocher carré en ardoise — cimetière neuf, deux ou trois tombes seulement, l’ancien est en dehors du pays — en face de la maison celle du pharmacien qui a un jardin plus grand, plus cultivé et plus fleuri que celui de Me Bovary