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un coup de canon retentit ; aussitôt, on se poussa pêle-mêle, vers le village.

C’était une fausse alerte. M. le préfet n’arrivait pas ; et les membres du jury se trouvaient fort embarrassés, ne sachant s’il fallait commencer la séance ou bien attendre encore.

Enfin, au fond de la Place, parut un grand landau de louage, traîné par deux chevaux maigres, que fouettait à tour de bras un cocher en chapeau blanc. Binet n’eut que le temps de crier : « Aux armes ! » et le colonel de l’imiter. On courut vers les faisceaux. On se précipita. Quelques-uns même oublièrent leur col. Mais l’équipage préfectoral sembla deviner cet embarras, et les deux rosses accouplées, se dandinant sur leur chaînette, arrivèrent au petit trot devant le péristyle de la mairie, juste au moment où la garde nationale et les pompiers s’y déployaient, tambour battant, et marquant le pas.

— Balancez ! cria Binet.

— Halte ! cria le colonel. Par file à gauche !

Et après un port d’armes où le cliquetis des capucines, se déroulant, sonna comme un chaudron de cuivre qui dégringole les escaliers, tous les fusils retombèrent.

Alors on vit descendre du carrosse un monsieur vêtu d’un habit court à broderie d’argent, chauve sur le front, portant toupet à l’occiput, ayant le teint blafard et l’apparence des plus bénignes. Ses deux yeux, fort gros et couverts de paupières épaisses, se fermaient à demi pour considérer la multitude, en même temps qu’il levait son nez pointu et faisait sourire sa bouche rentrée. Il reconnut le maire à son écharpe, et lui exposa