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la tentation de saint antoine

Ah ! j’en étais sûr ! Le signe de la Pénitence les met en fuite ! C’est la pensée seule qui fait le mal ! Plus de ces rêveries où l’âme se perd ! L’action ! l’action !


Il se flagelle, et LES MONTANISTES s’avancent dans des tuniques sombres,
la tête couverte de cendre, les bras croisés.


Courage, Antoine ! Imite-nous : six fois par mois des jeûnes entiers, trois carêmes par an, la flagellation tous les soirs ! — Et nous baptisons les morts, nous voilons les vierges, nous proscrivons les seconds mariages.

LES TATIENS têtes rasées, enfermés dans des sacs noirs, s’écrient :


Il faut les proscrire tous !… L’arbre de l’Éden qui portait chaque année douze fruits rouges comme du sang, c’est la femme ! Celui qui dort à son ombre ne se réveillera que dans l’enfer !

ANTOINE mélancoliquement.

C’est pour fuir ce sommeil que j’ai cherché la solitude !


Le groupe des Montanistes s’entr’ouvre et l’on voit s’avancer
deux femmes très pâles, vêtues de manteaux bruns.
— MAXIMILLA est brune, PRISCILLA est blonde.
Elles rejettent en arrière leur capuchon, et elles disent :


Du temps que nous vivions chez nos maris, nous