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XXXIV
préface

velle attaque, ils tentent le saint, — directement cette fois, en matérialisant leurs tentations, — et ils font passer sous ses yeux la courtisane Démonassa, Thamar l’impudique, Diane chasseresse et ses nymphes… Ils le transportent au festin de Nabuchodonosor, ils lui amènent la reine de Saba environnée de toute la pompe fastueuse et puérile des Orientaux et, après avoir épuisé les splendeurs de la Fable et de l’Histoire, ils le jettent en face de la Nature avec toutes ses Bêtes, imaginaires et réelles, avec les myriades de vies infinitésimales qui grouillent en elle… Nous sommes au point culminant de la tentation : l’ascète est gagné par le vertige de la Science.

Le troisième acte commence : Le Diable ayant satisfait saint Antoine, dans sa curiosité du savoir, lui en démontre la vanité. Que faire après cela ?… Mourir ? ou bien jouir, vivre de la vie des brutes ?… Mais la Mort et la Volupté sont également mensongères. En dépit de leurs sollicitations, de tous les mirages qu’elles excitent autour du saint, il les repousse l’une et l’autre. Dans l’état de prostration et d’inertie intellectuelle où il est arrivé, un seul obstacle, — bien débile, — peut l’empêcher encore de se donner au Diable : une crainte obscure de l’au-delà, une vague terreur religieuse… Mais, les religions sont vaines comme le reste : tous les