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première version
Les Bacchantes échevelées, tenant des masques noirs, balancent, au son de la musique, les grappes de raisin qui leur pendent sur le front, dévorent les colliers de figues sèches suspendus à leur cou, entre-choquent

leurs boucliers, se frappent avec des thyrses, et lancent autour d’elles des regards farouches, sous leurs sourcils noirs veloutés comme le dos des chenilles.

Les Satyres les serrent dans leurs bras et, versant de haut le vin des urnes, ils barbouillent la figure rieuse des Ménades enivrées.
LES BACCHANTS ET LES BACCHANTES

Abattez les échalas ! foulez du talon le raisin dans les pressoirs ! Dieu charmant qui portes le baudrier d’or, bois à longs traits dans ton cratère sans fond ! Evohé ! Bacchus Evohé !

Tu as vaincu les Indes, la Thrace et la Lydie. Les armées s’enfuyaient quand Mimallon furieuse hurlait sur les montagnes. Les peuples réveillés se pressaient autour de toi. Les yeux des Bacchantes brillaient dans les feuillages.

Evohé ! Bacchus, Evohé !

Père des théâtres et du vin, les dieux antiques se sont bouché les oreilles au scandale merveilleux du dithyrambe désordonné ! À toi le rythme nouveau et les formes incessantes !

Tu as le rire des vendangeurs, les fontaines cachées, les festins aux flambeaux et le renard qui se glisse dans les vignes, pour croquer les raisins