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LA TENTATION DE SAINT ANTOINE

À la loi du rythme, la matière et les êtres…

Une corde se rompant lui cingle la figure. Il resserre une cheville qui se casse. Il touche à une troisième, il se trompe, va de l’une à l’autre : tout se brise, pète, s’embrouille.
LA MORT

Tu es resté nu si longtemps, tu as tellement marché dans toute la Grèce que tu n’en peux plus, que tu craches, que tu vas mourir. Tu étais, n’est-ce pas, le purificateur mélodieux qui chantait et qui fondait ? Il n’y a plus rien à chanter, rien à fonder. Les villes sont édifiées, les peuples sont vieux. La Pythie perdue ne se retrouve pas.

Les athlètes frottés d’huile, les éphèbes qui couraient sur le stade, les cochers qui criaient debout dans leurs chars d’ivoire, les philosophes qui causaient sous les bois de lauriers-roses…

Elle le frappe.

… suis-les ! va t’en donc, beau dieu du monde plastique qui ne devait pas finir !

Apollon passe sa cithare sur son dos et s’en va.


Bacchus arrive, traîné par des panthères. Il est coiffé de myrte et il se regarde en souriant dans un miroir en cristal. Autour de lui, les Silènes en manteaux de laine rouge, les Satyres couverts de peaux de chèvres, et les Ménades avec la nébride sur l’épaule, chantent, boivent, dansent, soufflent dans des flûtes et jettent par terre des tambourins plats qui tournent en ronflant.