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première version

cadavre couché… la myrrhe fumait sur la colline, près d’un sépulcre ouvert ; les sanglots éclataient sous les voiles noirs penchés ; des femmes pleuraient, et leurs larmes tombaient sur ses pieds nus, comme les gouttes d’eau sur du marbre blanc…

Il s’affaisse.
LE DIABLE, en riant.

Allons ! debout ! Il en vient d’autres ! regarde !

Le catafalque d’Adonis a disparu.


On entend un bruit de castagnettes et de cymbales, et des hommes vêtus de robes bigarrées, suivis par une foule rustique, amènent un âne empanaché de feuillage, la queue garnie de rubans, les sabots peints, — avec un frontal à plaques d’or et des coquilles aux oreilles, une boîte couverte d’une housse à cordons sur le dos, entre deux larges corbeilles dont l’une, chemin faisant, reçoit les offrandes de la foule : œufs, raisins, fromages mous, lièvres dont on voit passer les oreilles, volailles plumées, poires en quantité, monnaie de cuivre. — et dont l’autre à moitié pleine contient des feuilles de roses que les conducteurs de l’âne jettent devant eux, tout en marchant. Ils ont des bottines à lacets, les cheveux nattés, de grands manteaux, des pendants d’oreilles et les joues couvertes de fard. Une couronne en branche d’olivier se rattache au milieu de leur front par un médaillon à figurine, entre deux autres plus petits, et ils en portent une troisième plus large, sur leur poitrine nue. Des poinçons, des poignards sont passés dans leur ceinture, et ils brandissent des fouets à manche d’ébène jaune, dont la triple lanière est garnie d’osselets de mouton.

On ôte d’abord la housse de la boîte, recouverte en dessous d’un feutre noir : la foule s’écarte, l’âne s’arrête. Un de ces hommes, retroussant son vêtement, se met