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XVIII
préface

violence de la couleur, au lyrisme échevelé, au mélange du sérieux et du grotesque, à l’emploi fréquent de l’antithèse. Toute la Tentation primitive repose sur l’antithèse de l’Ascète et du Cochon, — l’un symbolisant la bassesse de l’instinct dans l’homme, le penchant originel vers l’ignoble ; l’autre exprimant la part divine de l’âme et de l’intelligence.

Enfin, comme chez les prosateurs romantiques, les métaphores, les comparaisons poétiques abondent. Plus que quiconque, Flaubert pourrait s’appeler « l’Imaginifique ». À la longue, on trouve qu’il abuse, et cette création perpétuelle d’images finit par sembler un jeu trop facile. Il y a même une foule de passages qui, par le mouvement, le rythme, l’éclat du style, la luxuriance du détail pittoresque, s’assimilent plutôt à un développement en vers qu’à un paragraphe de prose. Le couplet de la Mort qui commence ainsi : « Où sont-elles maintenant, toutes les femmes qui furent aimées ?… » rappelle la manière de Victor Hugo dans Les Feuilles d’automne et Les Chants du crépuscule. C’est le grand lieu commun lyrique, tel qu’on le traitait aux environs de 1830 !

La Tentation de 1874 est d’un style bien plus serré, bien plus travaillé, mais aussi plus sec et plus froid. Entre cette date et celle de la première