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première version

reçoit tous les fleuves, sans en devenir plus gros, j’absorbais les siècles.

Qu’est-ce donc ?… Tout chancelle… où suis-je ? qui suis-je ? Faut-il prendre ma tête de serpent ?

Il lui pousse une tête de serpent.

Ah ! plutôt la queue de poisson qui battait les flots !

Il lui pousse une queue de poisson.

Si j’avais la figure du solitaire ?

Il se change en solitaire.

Eh non ! c’est la crinière du cheval qu’il me faut !

Il lui pousse une crinière de cheval.

Hennissons ! levons le pied !… Oh ! le lion !

Il devient lion.

Oh ! mes défenses !

Il lui sort des défenses de la bouche.

Toutes mes formes tourbillonnent et s’échappent, comme si j’allais vomir la digestion de mes existences. Des âges arrivent. Je grelotte comme dans la fièvre.

Antoine ouvre la bouche pour parler. Mais arrive :