Page:Flaubert - La Première Tentation de Saint Antoine, éd. Bertrand, 1908.djvu/226

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
180
LA TENTATION DE SAINT ANTOINE
LA MORT

Les pleurs que j’ai tirés des yeux formeraient des océans, les œuvres que j’ai abattues composeraient un tas plus haut que tous les mondes.

LA LUXURE

Couverte de joyaux d’or, la prostituée, belle du désir de tous les hommes, chante à voix basse des mots amoureux sous sa lanterne qui fume.

LA MORT

Les vers blanchâtres, dans la nuit du tombeau, se collent sur les visages, comme un essaim d’abeilles qui dévorent une figue.

LA LUXURE

Et il y a même des femmes mortes qui ont un air si abandonné, avec leurs bras pendants, leurs paupières entrecloses et leurs cheveux noirs se déroulant sur les chairs pâles, que l’on dirait une autre nudité plus générale et plus profonde.

ANTOINE

Oh !… oh !… vous me semblez horribles toutes les deux !