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LA TENTATION DE SAINT ANTOINE
LA CHIMÈRE

Ni toi, non plus, tu ne me saisiras pas, Sphinx terrible, qui dardes sur l’horizon ton grand œil éternel.

LE SPHINX

Pour demeurer avec moi, tu es trop folle !

LA CHIMÈRE

Toi, pour me suivre, tu es trop lourd !

LE SPHINX

Il y a longtemps que je vois au bout du désert glisser, dans la tempête, tes deux ailes déployées.

LA CHIMÈRE

Il y a longtemps que je galope sur les sables, et que je vois le soleil brunir ta figure sérieuse.

LE SPHINX

La nuit, quand je marche dans les corridors du labyrinthe, et que j’écoute le vent bramer sous les galeries où passe la lune, j’entends le bruit de tes pattes grêles sur les dalles sonores. Où vas-tu que tu fuis si vite ?… Moi, je reste au bas des escaliers,