Page:Flaubert - La Première Tentation de Saint Antoine, éd. Bertrand, 1908.djvu/184

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
138
LA TENTATION DE SAINT ANTOINE

liège. Si tu es brave, tu le passeras à ton bras et tu le porteras à la chasse.

Mais si tu avais ce que j’ai dans ma petite boîte ! Retourne-la ! tâche de l’ouvrir ! Personne n’y parviendrait. Embrasse-moi, je te le dirai.

Elle prend saint Antoine par les deux joues ; il la repousse à bras tendus.

C’était une nuit que le roi Salomon perdait la tête. Enfin, nous conclûmes un marché. Il se leva et, sortant à pas de loup…

Elle fait une pirouette.

Ah ! ah ! bel ermite ! tu ne le sauras pas ! tu ne le sauras pas !

Elle secoue son parasol, dont toutes les clochettes tintent.

J’ai bien d’autres choses encore, va ! J’ai des trésors enfermés dans des galeries où l’on se perd comme dans un bois. J’ai des palais d’été en treillage de roseaux et des palais d’hiver en marbre noir. Au milieu de lacs grands comme des mers, j’ai des îles rondes comme des pièces d’argent, toutes couvertes de nacre et dont les rivages font de la musique au battement des flots tièdes qui se roulent vers le sable. Les esclaves de mes cuisines prennent des oiseaux dans mes volières et pêchent le poisson dans mes viviers. J’ai des graveurs continuellement assis pour creuser mon portrait