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LA TENTATION DE SAINT ANTOINE
LA COURTISANE, se promenant sous les colonnes la tête basse, les bras pendants.

Hélas ! hélas ! il faut partir !… Adieu les longues causeries de l’atelier avec les bons sculpteurs, au bruit des ciseaux de fer qui sonnaient sur les marbres de Paros. Le maître, nu bras, pétrissait la brune argile. Du haut de l’escabeau, où je posais debout, je voyais son vaste front se plisser d’inquiétude. Il cherchait sur mon corps la forme conçue, — et il s’épouvantait en l’y découvrant tout à coup plus splendide même que l’idéal, et moi, je riais à voir l’art se désespérer, à cause du dessin de ma rotule et des fossettes de mon dos.

Le faux Antoine pousse la porte.
LAMPITO, se jetant sur Démonassa.

Maîtresse ! maîtresse ! c’est l’étranger qui m’avait dit de n’en rien dire !…

Tout disparaît.
ANTOINE se relève.

Où étais-je donc ?… dans une rue d’Athènes ?… Je n’y ai jamais été cependant !… N’importe ! je suis sûr que les choses s’y trouvent ainsi.

D’où vient que j’y pense encore ?… Cela est mal ! Mais pourquoi ?… Le moindre de mes désirs est tellement clos d’obstacles, que j’y peux circuler tout