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VIII
préface

ture du dernier est menue, tatillonne, difficultueuse, tourmentée de ratures, autant celle du premier est large, copieuse, et comme couchée d’un trait sur le papier. Les corrections elles-mêmes sont aussi lisibles que le texte, et l’aspect des pages donne une impression d’allégresse, de facilité, de légèreté et de sûreté de main qui réjouit les yeux.

Qu’advint-il de cette œuvre conçue et exécutée avec une telle ferveur ? Nous le savons par les Souvenirs littéraires de Maxime Du Camp. Flaubert, sitôt le Saint Antoine achevé, avait convoqué Du Camp et Bouilhet pour une lecture qui dura quatre jours consécutifs, sans autres répits que les heures des repas et du sommeil. En ouvrant son manuscrit, il leur aurait dit : « Si vous ne poussez pas des hurlements d’enthousiasme, c’est que rien n’est capable de vous émouvoir !… » Hélas ! ils ne hurlèrent point d’enthousiasme. Bouilhet, après en avoir conféré avec Du Camp, déclara brutalement à leur ami : « Nous pensons que tu dois jeter cela au feu ! » Sur quoi, Flaubert, écrasé, aurait poussé un véritable cri de douleur[1].

Et pourtant le verdict de Bouilhet est, en partie, justifiable.

  1. Cf. Maxime Du Camp, Souvenirs littéraires, I. p. 427 et suiv.