Page:Flaubert - L’Éducation sentimentale (1891).djvu/472

Cette page n’a pas encore été corrigée

de fauteuils en velours grenat, et d’une pendule sous globe.

Presque aussitôt, Madame parut. C’était une grande brune de quarante ans, la taille mince, de beaux yeux, l’usage du monde. Elle apprit à Frédéric l’heureuse délivrance de la mère, et le fit monter dans sa chambre.

Rosanette se mit à sourire ineffablement, et, comme submergée sous les flots d’amour qui l’étouffaient, elle dit d’une voix basse :

— « Un garçon, là, là ! » en désignant près de son lit une barcelonnette.

Il écarta les rideaux, et aperçut, au milieu des linges, quelque chose d’un rouge jaunâtre, extrêmement ridé, qui sentait mauvais et vagissait.

— « Embrasse-le ! »

Il répondit, pour cacher sa répugnance :

— « Mais j’ai peur de lui faire mal ? »

— « Non ! non ! »

Alors, il baisa, du bout des lèvres, son enfant.

— « Comme il te ressemble ! »

Et, de ses deux bras faibles, elle se suspendit à son cou, avec une effusion de sentiment qu’il n’avait jamais vue.

Le souvenir de Mme Dambreuse lui revint. Il se reprocha comme une monstruosité de trahir ce pauvre être, qui aimait et souffrait dans toute la franchise de sa nature. Pendant plusieurs jours, il lui tint compagnie jusqu’au soir.

Elle se trouvait heureuse dans cette maison discrète les volets de la façade restaient même constamment fermés ; sa chambre tendue en perse claire, donnait sur un grand jardin ; Mme Alessandri, dont le seul défaut était de citer comme intimes les médecins illustres, l’entourait d’attentions ; ses compagnes, presque toutes des demoiselles de la province, s’ennuyaient beaucoup, n’ayant personne qui vînt les voir ; Rosa-