Page:Flaubert - L’Éducation sentimentale (1891).djvu/453

Cette page n’a pas encore été corrigée

il y avait, dans l’Aube, une candidature vacante. M. Dambreuse, réélu à la Législative, appartenait à un autre arrondissement. « Veux-tu que je m’en occupe ? » Il connaissait beaucoup de cabaretiers, d’instituteurs, de médecins, de clercs d’étude et leurs patrons. « D’ailleurs, on fait accroire aux paysans tout ce qu’on veut ! »

Frédéric sentait se rallumer son ambition.

Deslauriers ajouta :

— « Tu devrais bien me trouver une place à Paris. »

— « Oh ! ce ne sera pas difficile, par M. Dambreuse. »

— « Puisque nous parlions de houilles », reprit l’avocat, « que devient sa grande société ? C’est une occupation de ce genre qu’il me faudrait ! — et je leur serais utile, tout en gardant mon indépendance. »

Frédéric promit de le conduire chez le banquier avant trois jours.

Son repas en tête-à-tête avec Mme Dambreuse fut une chose exquise. Elle souriait en face de lui, de l’autre côté de la table, par-dessus des fleurs dans une corbeille, à la lumière de la lampe suspendue ; et, comme la fenêtre était ouverte, on apercevait des étoiles. Ils causèrent fort peu, se méfiant d’eux-mêmes, sans doute ; mais, dès que les domestiques tournaient le dos, ils s’envoyaient un baiser, du bout des lèvres. Il dit son idée de candidature. Elle l’approuva, s’engageant même à y faire travailler M. Dambreuse.

Le soir, quelques amis se présentèrent pour la féliciter et pour la plaindre ; elle devait être si chagrine de n’avoir plus sa nièce ! C’était fort bien, d’ailleurs, aux jeunes mariés de s’être mis en voyage ; plus tard, les embarras, les enfants surviennent ! Mais l’Italie ne répondait pas à l’idée qu’on s’en faisait. Après cela, ils étaient dans l’âge des illusions ! et puis la lune de miel embellissait tout ! Les deux derniers qui restèrent furent M. de Grémonville et Frédéric. Le diplomate ne