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C’était pour lui seul qu’elle avait fait le voyage.

Quelqu’un marcha dans le corridor.

— « Ah ! pardon… »

Et elle disparut.

Catherine n’avait point trouvé Frédéric. Il était absent depuis plusieurs jours, et son ami intime, M. Deslauriers, habitait maintenant la province.

Louise reparut toute tremblante, sans pouvoir parler.

Elle s’appuyait contre les meubles.

— « Qu’as-tu ? qu’as-tu donc ? » s’écria son père.

Elle fit signe que ce n’était rien, et par un grand effort de volonté se remit.

Le traiteur d’en face apporta la soupe. Mais le père Roque avait subi une trop violente émotion. « Ça ne pouvait pas passer », et il eut au dessert une espèce de défaillance. On envoya chercher vivement un médecin, qui prescrivit une potion. Puis, quand il fut dans son lit, M. Roque exigea le plus de couvertures possible, pour se faire suer. Il soupirait, il geignait.

— « Merci, ma bonne Catherine ! — Baise ton pauvre père, ma poulette ! Ah ! ces révolutions ! »

Et, comme sa fille le grondait de s’être rendu malade en se tourmentant pour elle, il répliqua :

— « Oui ! tu as raison ! Mais c’est plus fort que moi ! Je suis trop sensible ! »

II