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République à vingt-cinq pour cent ! Ah oui ! vante-toi ! »

Frédéric s’en alla. L’ineptie de cette fille, se dévoilant tout à coup dans un langage populacier, le dégoûtait. Il se sentit même un peu redevenu patriote.

La mauvaise humeur de Rosanette ne fit que s’accroître. Mlle Vatnaz l’irritait par son enthousiasme. Se croyant une mission, elle avait la rage de pérorer, de catéchiser, et, plus forte que son amie dans ces matières, l’accablait d’arguments.

Un jour, elle arriva tout indignée contre Hussonnet, qui venait de se permettre des polissonneries, au club des femmes. Rosanette approuva cette conduite, déclarant même qu’elle prendrait des habits d’homme pour aller « leur dire leur fait, à toutes, et les fouetter ». Frédéric entrait au même moment.

— « Tu m’accompagneras, n’est-ce pas ? »

Et, malgré sa présence, elles se chamaillèrent, l’une faisant la bourgeoise, l’autre la philosophe.

Les femmes, selon Rosanette, étaient nées exclusivement pour l’amour ou pour élever des enfants, pour tenir un ménage.

D’après Mlle Vatnaz, la femme devait avoir sa place dans l’Etat. Autrefois, les Gauloises légiféraient, les Anglo-Saxonnes aussi, les épouses des Hurons faisaient partie du Conseil. L’œuvre civilisatrice était commune. Il fallait toutes y concourir, et substituer enfin à l’égoïsme la fraternité, à l’individualisme l’association, au morcellement la grande culture.

— « Allons, bon ! tu te connais en culture, à présent !

— « Pourquoi pas ? D’ailleurs, il s’agit de l’humanité, de son avenir ! »

— « Mêle-toi du tien ! »

— « Ça me regarde ! »

Elles se fâchaient. Frédéric s’interposa. La Vatnaz s’échauffait, et arriva même à soutenir le Communisme.