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Ah ! mille excuses ! c’est docteur en droit. Je viens pour les intérêts de M. Moreau. »

Ce nom parut la troubler.

— « Tant mieux ! » pensa l’ancien clerc ; « puisqu’elle a bien voulu de lui, elle voudra de moi ! » s’encourageant par l’idée reçue qu’il est plus facile de supplanter un amant qu’un mari.

Il avait eu le plaisir de la rencontrer, une fois, au Palais ; il cita même la date. Tant de mémoire étonna Mme Arnoux. Il reprit d’un ton doucereux :

— « Vous aviez déjà… quelques embarras… dans vos affaires ! »

Elle ne répondit rien ; donc, c’était vrai.

Il se mit à causer de choses et d’autres, de son logement, de la fabrique ; puis, apercevant, aux bords de la glace, des médaillons :

— « Ah ! des portraits de famille, sans doute ? »

Il remarqua celui d’une vieille femme, la mère de Mme Arnoux.

— « Elle a l’air d’une excellente personne, un type méridional. »

Et, sur l’objection qu’elle était de Chartres.

— « Chartres ! jolie ville. »

Il en vanta la cathédrale et les pâtés ; puis, revenant au portrait, y trouva des ressemblances avec Mme Arnoux, et lui lançait des flatteries indirectement. Elle n’en fut pas choquée. Il prit confiance et dit qu’il connaissait Arnoux depuis longtemps.

— « C’est un brave garçon ! mais qui se compromet ! Pour cette hypothèque, par exemple, on n’imagine pas… »

— « Oui ! je sais », dit-elle, en haussant les épaules.

Ce témoignage involontaire de mépris engagea Deslauriers à poursuivre.

— « Son histoire de kaolin, vous l’ignorez peut-être, a failli tourner très mal, et même sa réputation… »