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ques questions sur des personnes de leur connaissance, sur Nogent, sur ses études ; puis il le congédia en s’inclinant. Frédéric sortit par un autre corridor, et se trouva dans le bas de la cour, auprès des remises.

Un coupé bleu, attelé d’un cheval noir, stationnait devant le perron. La portière s’ouvrit, une dame y monta, et la voiture, avec un bruit sourd, se mit à rouler sur le sable.

Frédéric, en même temps qu’elle, arriva de l’autre côté, sous la porte cochère. L’espace n’étant pas assez large, il fut contraint d’attendre. La jeune femme, penchée en dehors du vasistas, parlait tout bas au concierge. Il n’apercevait que son dos, couvert d’une mante violette. Cependant, il plongeait dans l’intérieur de la voiture, tendue de reps bleu, avec des passementeries et des effilés de soie. Les vêtements de la dame l’emplissaient ; il s’échappait de cette petite boîte capitonnée un parfum d’iris, et comme une vague senteur d’élégances féminines. Le cocher lâcha les rênes, le cheval frôla la borne brusquement, et tout disparut.

Frédéric s’en revint à pied, en suivant les boulevards.

Il regrettait de n’avoir pu distinguer Mme Dambreuse.

Un peu plus haut que la rue Montmartre, un embarras de voitures lui fit tourner la tête ; et, de l’autre côté, en face, il lut sur une plaque de marbre :

Jacques Arnoux.

Comment n’avait-il pas songé à elle, plus tôt ? La faute venait de Deslauriers, et il s’avança vers la boutique, il n’entra pas, cependant ; il attendit qu’elle parût.

Les hautes glaces transparentes offraient aux regards, dans une disposition habile, des statuettes, des dessins, des gravures, des catalogues, des numéros de l’Art industriel ; et les prix de l’abonnement étaient répétés sur la porte, que décoraient à son milieu, les initiales de l’éditeur. On apercevait, contre les murs,