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— « Voilà le meilleur des caractères de La Bruyère »

Ensuite, il adressa à M. de Comaing une foule de questions sur des personnes inconnues à la société ; puis, comme saisi d’une idée :

— « Dites donc ! avez-vous pensé à moi ? »

L’autre haussa les épaules.

— « Vous n’avez pas l’âge, mon petiot ! Impossible »

Cisy l’avait prié de le faire admettre à son club. Mais le baron, ayant sans doute pitié de son amour-propre :

— « Ah ! j’oubliais ! Mille félicitations pour votre pari, mon cher ! »

— « Quel pari ? »

— « Celui que vous avez fait, aux courses, d’aller le soir même chez cette dame. »

Frédéric éprouva comme la sensation d’un coup de fouet. Il fut calmé tout de suite, par la figure décontenancée de Cisy.

En effet, la Maréchale, dès le lendemain, en était aux regrets, quand Arnoux, son premier amant, son homme, s’était présenté ce jour-là même. Tous deux avaient fait comprendre au Vicomte qu’il « gênait », et on l’avait flanqué dehors, avec peu de cérémonie.

Il eut l’air de ne pas entendre. Le Baron ajouta :

— « Que devient-elle, cette brave Rose ?… a-t-elle toujours d’aussi jolies jambes ? » prouvant par ce mot qu’il la connaissait intimement.

Frédéric fut contrarié de la découverte.

— « Il n’y a pas de quoi rougir », reprit le Baron « c’est une bonne affaire ! »

Cisy claqua de la langue.

— « Peuh ! pas si bonne ! »

— « Ah ! »

— « Mon Dieu, oui ! D’abord, moi, je ne lui trouve rien d’extraordinaire, et puis on en récolte de pareilles tant qu’on veut, car enfin… elle est à vendre ! »