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Il offrit une cigarette et commença.

L’Union générale des Houilles françaises était constituée ; on n’attendait plus que l’ordonnance. Le fait seul de la fusion diminuait les frais de surveillance et de main-d’œuvre, augmentait les bénéfices. De plus, la Société imaginait une chose nouvelle, qui était d’intéresser les ouvriers à son entreprise. Elle leur bâtirait des maisons, des logements salubres ; enfin elle se constituait le fournisseur de ses employés, leur livrait tout à prix de revient.

— « Et ils gagneront, monsieur ; voilà du véritable progrès —, c’est répondre victorieusement à certaines criailleries républicaines ! Nous avons dans notre conseil », il exhiba le prospectus, « un pair de France, un savant de l’Institut, un officier supérieur du génie en retraite, des noms connus ! De pareils éléments rassurent les capitaux craintifs et appellent les capitaux intelligents ! » La Compagnie aurait pour elle les commandes de l’Etat, puis les chemins de fer, la marine à vapeur, les établissements métallurgiques, le gaz, les cuisines bourgeoises. « Ainsi, nous chauffons, nous éclairons, nous pénétrons jusqu’au foyer des plus humbles ménages. Mais comment, me direz-vous, pourrons-nous assurer la vente ? Grâce à des droits protecteurs, cher monsieur, et nous les obtiendrons ; cela nous regarde ! Moi, du reste, je suis franchement prohibitionniste ! le Pays avant tout ! » On l’avait nommé directeur ; mais le temps lui manquait pour s’occuper de certains détails, de la rédaction entre autres. « Je suis un peu brouillé avec mes auteurs, j’ai oublié mon grec ! J’aurais besoin de quelqu’un… qui pût traduire mes idées. » Et tout à coup : « Voulez-vous être cet homme-là, avec le titre de secrétaire général ? »

Frédéric ne sut que répondre.

— « Eh bien, qui vous empêche ? »

Ses fonctions se borneraient à écrire, tous les ans, un rapport pour les actionnaires. Il se trouverait en