Page:Flaubert - L’Éducation sentimentale éd. Conard.djvu/499

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Martinon ajouta :

— D’une femme très vivante ! N’est-ce pas, Cisy ?

— Eh ! je n’en sais rien.

— Je croyais que vous la connaissiez. Mais du moment que ça vous fait de la peine, mille excuses !

Cisy baissa les yeux, prouvant par son embarras qu’il avait dû jouer un rôle pitoyable à l’occasion de ce portrait. Quant à Frédéric, le modèle ne pouvait être que sa maîtresse. Ce fut une de ces convictions qui se forment tout de suite, et les figures de l’assemblée la manifestaient clairement.

« Comme il me mentait ! » se dit Mme Arnoux.

« C’est donc pour cela qu’il m’a quittée ! » pensa Louise.

Frédéric s’imaginait que ces deux histoires pouvaient le compromettre ; et quand on fut dans le jardin, il en fit des reproches à Martinon.

L’amoureux de Mlle Cécile lui éclata de rire au nez.

— Eh ! pas du tout ! ça te servira ! Va de l’avant !

Que voulait-il dire ? D’ailleurs, pourquoi cette bienveillance si contraire à ses habitudes ? Sans rien expliquer, il s’en alla vers le fond, où les dames étaient assises. Les hommes se tenaient debout, et Pellerin, au milieu d’eux, émettait des idées. Ce qu’il y avait de plus favorable pour les arts, c’était une monarchie bien entendue. Les temps modernes le dégoûtaient, « quand ce ne serait qu’à cause de la garde nationale », il regrettait le moyen âge, Louis XIV ; M. Roque le féli-