Page:Flaubert - L’Éducation sentimentale éd. Conard.djvu/496

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Arnoux, près d’elle, avait beau prodiguer les galanteries, il n’en pouvait tirer trois paroles, si bien que, renonçant à plaire, il écouta la conversation. Elle roulait maintenant sur les purées d’ananas du Luxembourg.

Louis Blanc, d’après Fumichon, possédait un hôtel rue Saint-Dominique et refusait de louer aux ouvriers.

— Moi, ce que je trouve drôle, dit Nonancourt, c’est Ledru-Rollin chassant dans les domaines de la Couronne !

— Il doit vingt mille francs à un orfèvre ! ajouta Cisy ; et même on prétend…

Mme  Dambreuse l’arrêta.

— Ah ! que c’est vilain de s’échauffer pour la politique ! Un jeune homme, fi donc ! Occupez-vous plutôt de votre voisine !

Ensuite, les gens sérieux attaquèrent les journaux.

Arnoux prit leur défense ; Frédéric s’en mêla, les appelant des maisons de commerce pareilles aux autres. Leurs écrivains, généralement, étaient des imbéciles, ou des blagueurs ; il se donna pour les connaître, et combattait par des sarcasmes les sentiments généreux de son ami. Mme  Arnoux ne voyait pas que c’était une vengeance contre elle.

Cependant, le vicomte se torturait l’intellect afin de conquérir Mlle  Cécile. D’abord, il étala des goûts d’artiste, en blâmant la forme des carafons et la gravure des couteaux. Puis il parla de son écurie, de son tailleur et de son chemisier ; enfin, il aborda le chapitre de la religion et trouva moyen de faire entendre qu’il accomplissait tous ses devoirs.