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jeune ami était un personnage très influent et qu’il pourrait sinon le servir, du moins le défendre ; de sorte qu’un matin, M. Dambreuse se présenta chez lui, accompagné de Martinon.

Cette visite n’avait pour but, dit-il, que de le voir un peu et de causer. Somme toute, il se réjouissait des événements, et il adoptait de grand cœur « notre sublime devise : Liberté, Égalité, Fraternité, ayant toujours été républicain, au fond ». S’il votait, sous l’autre régime, avec le ministère, c’était simplement pour accélérer une chute inévitable. Il s’emporta même contre M. Guizot, « qui nous a mis dans un joli pétrin, convenons-en ! » En revanche, il admirait beaucoup Lamartine, lequel s’était montré « magnifique, ma parole d’honneur, quand, à propos du drapeau rouge… »

— Oui ! je sais, dit Frédéric.

Après quoi, il déclara sa sympathie pour les ouvriers.

— Car enfin, plus ou moins, nous sommes tous ouvriers !

Et il poussait l’impartialité jusqu’à reconnaître que Proudhon avait de la logique. « Oh ! beaucoup de logique ! diable ! » Puis, avec le détachement d’une intelligence supérieure, il causa de l’exposition de peinture, où il avait vu le tableau de Pellerin. Il trouvait cela original, bien touché.

Martinon appuyait tous ses mots par des remarques approbatives ; lui aussi pensait qu’il fallait « se rallier franchement à la République », et il parla de son père laboureur, faisait le paysan, l’homme du peuple. On arriva bientôt aux élections pour l’Assemblée nationale, et aux candi-