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orfèvre, l’industrie nationale ; les propriétaires et les fermiers, l’agriculture nationale ; chacun réclamant pour soi des privilèges au détriment du plus grand nombre. Les discours de Bouvard et de Pécuchet alarmaient.

Comme on les accusait de méconnaître la pratique, de tendre au nivellement et à l’immoralité, ils développèrent ces trois conceptions : remplacer le nom de famille par un numéro matricule ; hiérarchiser les Français, et, pour conserver son grade, il faudrait de temps à autre, subir un examen ; plus de châtiments, plus de récompenses, mais, dans tous les villages, une chronique individuelle qui passerait à la postérité.

On dédaigna leur système. Ils en firent un article pour le journal de Bayeux, rédigèrent une note au préfet, une pétition aux Chambres, un mémoire à l’empereur.

Le journal n’inséra pas leur article.

Le préfet ne daigna répondre.

Les Chambres furent muettes, et ils attendirent longtemps un pli des Tuileries.

De quoi s’occupait l’empereur, de femmes sans doute ?

Foureau, de la part du sous-préfet, leur conseilla plus de réserve.

Ils se moquaient du sous-préfet, du préfet, des conseillers de préfecture, voire du Conseil d’État. La justice administrative était une monstruosité, car l’administration, par des faveurs et des menaces, gouverne injustement ses fonctionnaires. Bref, ils devenaient incommodes, et les notables enjoignirent à Beljambe de ne plus recevoir ces deux particuliers.