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plafond. Victor ne tardait pas à s’endormir, vautré au milieu du bureau.

Peut-être souffraient-ils ? Une tension trop forte nuit aux jeunes cervelles.

— Arrêtons-nous, dit Bouvard.

Rien n’est stupide comme de faire apprendre par cœur ; cependant si on n’exerce pas la mémoire, elle s’atrophiera et ils leur serinèrent les premières fables de La Fontaine. Les enfants approuvaient la fourmi qui thésaurise, le loup qui mange l’agneau, le lion qui prend toutes les parts.

Devenus plus hardis, ils dévastaient le jardin. Mais quel amusement leur donner ?

Jean-Jacques, dans Émile, conseille au gouverneur de faire faire à l’élève ses jouets lui-même en l’aidant un peu, sans qu’il s’en doute. Bouvard ne put réussir à fabriquer un cerceau, Pécuchet à coudre une balle. Ils passèrent aux jeux instructifs, tels que des découpures ; Pécuchet leur montra son microscope. La chandelle étant allumée, Bouvard dessinait, avec l’ombre de ses doigts sur la muraille, le profil d’un lièvre ou d’un cochon. Le public s’en fatigua.

Des auteurs exaltent, comme plaisir, un déjeuner champêtre, une partie de bateau ; était-ce praticable, franchement ? Et Fénelon recommande de temps à autre « une conversation innocente ». Impossible d’en imaginer une seule !

Ils revinrent aux leçons et les boules à facettes, les rayures, le bureau typographique, tout avait échoué, quand ils avisèrent un stratagème.

Comme Victor était enclin à la gourmandise, on lui présentait le nom d’un plat ; bientôt il lut