Page:Flaubert - Bouvard et Pécuchet, éd. Conard, 1910.djvu/32

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Et cette plaisanterie les amusa tellement, que, vingt fois par jour, pendant plus de trois semaines ils la répétèrent.

Cependant les bourgeois de Chavignolles désiraient les connaître : on venait les observer par la claire-voie. Ils en bouchèrent les ouvertures avec des planches. La population fut contrariée.

Pour se garantir du soleil, Bouvard portait sur la tête un mouchoir noué en turban, Pécuchet sa casquette ; et il avait un grand tablier avec une poche par devant, dans laquelle ballotaient un sécateur, son foulard et sa tabatière. Les bras nus, et côte à côte, ils labouraient, sarclaient, émondaient, s’imposaient des tâches, mangeaient le plus vite possible ; mais allaient prendre le café sur le vigneau, pour jouir du point de vue.

S’ils rencontraient un limaçon, ils s’approchaient de lui, et l’écrasaient en faisant une grimace du coin de la bouche, comme pour casser une noix. Ils ne sortaient pas sans leur louchet, et coupaient en deux les vers blancs, d’une telle force que le fer de l’outil s’en enfonçait de trois pouces.

Pour se délivrer des chenilles, ils battaient les arbres, à grands coups de gaule, furieusement.

Bouvard planta une pivoine au milieu du gazon et des pommes d’amour qui devaient retomber comme des lustres, sous l’arceau de la tonnelle.

Pécuchet fit creuser devant la cuisine un large trou, et le disposa en trois compartiments, où il fabriquerait des composts qui feraient pousser un tas de choses dont les détritus amèneraient d’autres récoltes procurant d’autres engrais, tout cela indéfiniment, et il rêvait au bord de la fosse, apercevant