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Le curé, en emmenant son bedeau, le tança vertement.

— Êtes-vous fou ! sans ma permission ! Des manœuvres défendues par l’Église !

Tout le monde venait de partir ; Bouvard et Pécuchet causaient sur le vigneau avec l’instituteur, quand Marcel débusqua du verger, la mentonnière défaite, et il bredouillait :

— Guéri ! guéri ! Bons messieurs !

— Bien ! assez ! laisse-nous tranquilles !

— Ah ! bons messieurs, je vous aime ! serviteur !

Petit, homme de progrès, avait trouvé l’explication du médecin terre à terre, bourgeoise. La science est un monopole aux mains des riches. Elle exclut le peuple : à la vieille analyse du moyen âge, il est temps que succède une synthèse large et primesautière. La vérité doit s’obtenir par le cœur, et, se déclarant spiritiste, il indiqua plusieurs ouvrages, défectueux sans doute, mais qui étaient le signe d’une aurore.

Ils se les firent envoyer.

Le spiritisme pose en dogme l’amélioration fatale de notre espèce. La terre un jour deviendra le ciel, et c’est pourquoi cette doctrine charmait l’instituteur. Sans être catholique, elle se réclame de saint Augustin et de saint Louis. Allan-Kardec publie même des fragments dictés par eux et qui sont au niveau des opinions contemporaines. Elle est pratique, bienfaisante et nous révèle, comme le télescope, les mondes supérieurs.

Les esprits, après la mort et dans l’extase, y sont transportés. Mais quelquefois ils descendent sur notre globe, où ils font craquer les meubles, se