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chevelure, à lui…, se collait sur son crâne comme une perruque mouillée ; son torse, dans sa houppelande, ressemblait à un traversin, deux canines manquaient et sa physionomie était sévère. Il trouvait le ciel injuste, se sentait comme déshérité, et son ami ne l’aimait plus.

Bouvard l’abandonnait tous les soirs. Après la mort de sa femme, rien ne l’eût empêché d’en prendre une autre, et qui maintenant le dorloterait, soignerait sa maison. Il était trop vieux pour y songer.

Mais Bouvard se considéra dans la glace. Ses pommettes gardaient leurs couleurs, ses cheveux frisaient comme autrefois, pas une dent n’avait bougé, et, à l’idée qu’il pouvait plaire, il eut un retour de jeunesse. Mme Bordin surgit dans sa mémoire. Elle lui avait fait des avances : la première fois, lors de l’incendie des meules ; la seconde, à leur dîner ; puis dans le muséum, pendant la déclamation, et dernièrement elle était venue sans rancune, trois dimanches de suite. Il alla donc chez elle, et y retourna, se promettant de la séduire.

Depuis le jour où Pécuchet avait observé la petite bonne tirant de l’eau, il lui parlait plus souvent ; et soit qu’elle balayât le corridor, ou qu’elle étendît du linge, ou qu’elle tournât les casseroles, il ne pouvait se rassasier du bonheur de la voir, surpris lui-même de ses émotions, comme dans l’adolescence. Il en avait les fièvres et les langueurs, et était persécuté par le souvenir de Mme Castillon, étreignant Gorju.

Il questionna Bouvard sur la manière dont les libertins s’y prennent pour avoir des femmes.