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le soir. On porte des étendards, on se donne des fêtes, on mange des gâteaux. Toute femme, si elle y tient, possède trois hommes : le mari, l’amant et le géniteur. Pour les célibataires, le bayadérisme est institué.

— Ça me va ! dit Bouvard.

Et il se perdit dans les rêves du monde harmonien.

Par la restauration des climatures, la terre deviendra plus belle ; par le croisement des races, la vie humaine plus longue. On dirigera les nuages comme on fait maintenant de la foudre, il pleuvra la nuit sur les villes pour les nettoyer. Des navires traverseront les mers polaires, dégelées sous les aurores boréales. Car tout se produit par la conjonction des deux fluides mâle et femelle, jaillissant des pôles, et les aurores boréales sont un symptôme du rut de la planète, une émission prolifique.

— Cela me passe, dit Pécuchet.

Après Saint-Simon et Fourier, le problème se réduit à des questions de salaire.

Louis Blanc, dans l’intérêt des ouvriers, veut qu’on abolisse le commerce extérieur ; Lafarelle qu’on impose les machines ; un autre, qu’on dégrève les boissons, ou qu’on refasse les jurandes, ou qu’on distribue des soupes. Proudhon imagine un tarif uniforme, et réclame pour l’État le monopole du sucre.

— Ces socialistes, disait Bouvard, demandent toujours la tyrannie.

— Mais non !

— Si fait !

— Tu es absurde !