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— Cependant ?

— Ah ! prenez garde, je vous en avertis ! Prenez garde.

Bouvard n’insista plus.

Gorju alors se tourna vers Pécuchet :

— Et vous, patron, vous ne dites rien ?

Pécuchet baissa la tête, comme s’il eût douté de son innocence.

Le pauvre diable eut un sourire d’amertume.

— Je vous ai défendu pourtant !

Au petit jour, deux gendarmes l’emmenèrent à Falaise.

Il ne fut pas traduit devant un conseil de guerre, mais condamné par la correctionnelle à trois mois de prison, pour délit de paroles tendant au bouleversement de la société.

De Falaise, il écrivit à ses anciens maîtres de lui envoyer prochainement un certificat de bonne vie et mœurs et, leur signature devant être légalisée par le maire ou par l’adjoint, ils préférèrent demander ce petit service à Marescot.

On les introduisit dans une salle à manger, que décoraient des plats de vieille faïence, une horloge de Boule occupait le panneau le plus étroit. Sur la table d’acajou, sans nappe, il y avait deux serviettes, une théière, des bols. Mme Marescot traversa l’appartement dans un peignoir de cachemire bleu. C’était une Parisienne qui s’ennuyait à la campagne. Puis le notaire entra, une toque à la main, un journal de l’autre ; et tout de suite, d’un air aimable, il apposa son cachet, bien que leur protégé fût un homme dangereux.

— Vraiment, dit Bouvard, pour quelques paroles !…