Page:Flaubert - Bouvard et Pécuchet, éd. Conard, 1910.djvu/146

Cette page a été validée par deux contributeurs.

qui n’était pas un bénitier. Ils le prouveraient par une foule de raisons scientifiques. Puis, ils offrirent de reconnaître, dans leur testament, qu’il appartenait à la commune.

Ils proposèrent même de l’acheter.

— Et d’ailleurs, c’est mon bien ! répétait Pécuchet.

Les vingt francs, acceptés par M. Jeufroy, étaient une preuve du contrat ; et s’il fallait comparaître devant le juge de paix, tant pis, il ferait un faux serment !

Pendant ces débats, il avait revu la soupière, plusieurs fois ; et dans son âme s’était développé le désir, la soif de posséder cette faïence. Si on voulait la lui donner, il remettrait la cuve. Autrement, non.

Par fatigue ou peur du scandale, M. Jeufroy la céda.

Elle fut mise dans leur collection, près du bonnet de Cauchoise. La cuve décora le porche de l’église ; et ils se consolèrent de ne plus l’avoir par cette idée que les gens de Chavignolles en ignoraient la valeur.

Mais la soupière leur inspira le goût des faïences : nouveau sujet d’études et d’explorations dans la campagne.

C’était l’époque où les gens distingués recherchaient les vieux plats de Rouen. Le notaire en possédait quelques-uns, et tirait de là comme une réputation d’artiste, préjudiciable à son métier, mais qu’il rachetait par des côtés sérieux.

Quand il sut que Bouvard et Pécuchet avaient acquis la soupière, il vint leur proposer un échange.