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soir en se cachant derrière les futailles, pour que l’événement pût s’accomplir en paix.

Chacune d’abord mangea son petit tas de foin, puis elles ruminèrent ; la brebis se coucha, et elle bêlait sans discontinuer, pendant que le bouc, d’aplomb sur ses jambes torses, avec sa grande barbe et ses oreilles pendantes, fixait sur eux ses prunelles, qui luisaient dans l’ombre.

Enfin, le soir du troisième jour, ils jugèrent convenable de faciliter la nature ; mais le bouc, se retournant contre Pécuchet, lui flanqua un coup de cornes au bas du ventre. La brebis, saisie de peur, se mit à tourner dans le pressoir comme dans un manège. Bouvard courut après, se jeta dessus pour la retenir, et tomba par terre avec des poignées de laine dans les deux mains.

Ils renouvelèrent leurs tentatives sur des poules et un canard, sur un dogue et une truie, avec l’espoir qu’il en sortirait des monstres, ne comprenant rien à la question de l’espèce.

Ce mot désigne un groupe d’individus dont les descendants se reproduisent ; mais des animaux classés comme d’espèces différentes peuvent se reproduire, et d’autres, compris dans la même, en ont perdu la faculté.

Ils se flattèrent d’obtenir là-dessus des idées nettes en étudiant le développement des germes, et Pécuchet écrivit à Dumouchel pour avoir un microscope.

Tour à tour ils mirent sur la plaque de verre des cheveux, du tabac, des ongles, une patte de mouche ; mais ils avaient oublié la goutte d’eau indispensable ; c’était, d’autres fois, la petite lamelle, et ils se poussaient, dérangeaient l’instru-