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DE GUSTAVE FLAUBERT.

Nana tourne au mythe sans cesser d’être une femme, et sa mort est michelangelesque !

Va-t-on dire des bêtises là-dessus ! mon Dieu ! en va-t-on dire ! C’est du reste ce que demande le bon Zola…

La manière dont la Vie Moderne publie ma pauvre Féerie est de plus en plus pitoyable ! J’ai beau réclamer ; ah ! bien oui !

Mon chapitre exigera bien quatre mois, car il doit être le plus long, et n’avoir pas loin de quarante pages ! Cela me remet au milieu de juin ! Cependant, si je ne veux pas rompre avec tous les civilisés, il faut que j’aille à Paris cette année ! Il faut que j’y aille aussi pour mes notes et même, si je veux paraître en 1881, il faudra que je prenne pendant quelque temps un secrétaire ; je ne m’en tirerai pas autrement.

Et dans tout cela, quand nous verrons-nous, mon pauvre Caro. Tu viendras ici quand j’en partirai ; [et] cet automne, peut-être t’y laisserai-je toute seule. Comme notre vie est mal arrangée !

Il me tarde beaucoup que cette continuelle incertitude d’un avenir prochain soit finie ; je sens qu’elle m’use. Or, à mon âge, on a besoin d’être tranquille ; il faut garder toutes ses forces exclusivement pour son travail.

Depuis quinze jours je suis empoigné par l’envie de voir un palmier se détachant sur un ciel bleu et d’entendre claquer un bec de cigogne au haut d’un minaret… Comme ça me ferait du bien au corps et à l’esprit !

Allons ! n’y pensons plus ! Je vais mettre moi-même cette lettre à la poste, nettoyer ma table, piquer un chien, puis, après mon dîner, me